Prise de bec autour des pesticides

Une campagne de Pro Natura pour alerter sur l’état des cours d’eau en Suisse exige le retrait de certains pesticides. Les paysans se sentent pris pour cible. Le 9 mai dernier Pro Natura lançait sa campagne «Stop aux pesticides dans nos eaux», dont le but est de dénoncer l’inquiétante quantité de pesticides, herbicides et insecticides dans les cours d’eaux. Ce texte est accompagné d’un plan national en huit points pour que la Confédération applique une nouvelle politique en la matière. Il exige entre autres le retrait du marché des pesticides les plus toxiques et demande que toutes les études importantes pour les homologations de ces produits soient publiées. Pro Natura évoque le fait que ces produits chimiques se retrouvent dans le sol, dans nos eaux, dans nos aliments, dans notre corps et que sur le long terme nous ne savons pas ce que cela peut impliquer pour les être vivants. Et de rappeler que certains pesticides sont soupçonnés d’être cancérigènes (le glyphosate, voir en page 1) et de provoquer des troubles hormonaux.

Tout est parti d’une étude datant de 2014 de l’institut de recherche sur l’eau de l’EPFZ et l’IFAEPE, qui démontrait une quantité très préoccupante de substances chimiques dans 70% des rivières étudiées dans toute la Suisse. Un gramme de principe actif de pesticide peut polluer 10’000 mètres cubes d’eau, ce qui équivaut à 10 kilomètres de ruisseau, rappelle Pro Natura. L’association écologique explique qu’environ 2000 tonnes d’herbicides, fongicides et insecticides (le plus fréquent d’entre eux étant l’herbicide glyphosate) sont épandues chaque année dans les champs, 80 à 90 % de cette utilisation proviennent de l’agriculture dite intensive. Cette utilisation de pesticides est en augmentation de 10% et de 40% pour les insecticides entre 2006 et 2011, déplore l’association, qui propose l’agriculture biologique, que les consommateurs demandent de plus en plus, comme alternative. Markus Arn, coordinateur de la campagne de Pro Natura explique: «Les grands lobbies de l’agriculture et de la chimie parviennent à vendre une fausse sécurité à la population. Mais on sait maintenant avec certitude que les pesticides sont partout. C’est contre cette pollution que nous luttons avec notre nouvelle campagne.»

Dans un communiqué de presse, l’Union suisse des paysans (USP) exprime sa colère: «Pro Natura a lancé une campagne d’affichage ‘’Stop aux pesticides dans nos eaux’’, dans laquelle les paysannes et paysans suisses sont accusés de polluer les eaux. L’Union suisse des paysans condamne très sévèrement la campagne. Son contenu est simpliste et tendancieux, elle joue sur l’émotion et ne fait pas la part des choses.» L’association agricole affirme qu’elle «met tout en œuvre pour assurer une utilisation aussi efficace que possible et limitée au strict nécessaire de ces substances. Ainsi, à titre d’exemple, l’agriculture suisse soutient le plan d’action de la Confédération en matière de protection phytosanitaire, dont le but consiste à réduire les risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires.» L’organisation paysanne souligne par ailleurs qu’«entre 40 et 50 % des denrées alimentaires sont importées aujourd’hui parfois en provenance de régions du globe où il n’est guère question de la protection de l’environnement et du dosage des produits phytosanitaires. Il ne suffit donc pas de vouloir faire porter à l’agriculture suisse l’entière responsabilité du problème». Des arguments qui ne convainquent guère Pro Natura. Pour elle, «l’USP s’engage en réalité surtout pour que le plan d’action pesticides ne gêne pas le productivisme». «La plus grande partie des importations qui entrent en Suisse viennent des pays limitrophes de l’UE. Or l’UE a depuis longtemps dépassé la Suisse sur le plan de la réglementation des pesticides. C’est ainsi que tous les pays de l’UE ont leur plan d’action pesticides», ajoute encore l’organisation.

Source:Gauchebdo, 19-05-16